22 June 2008

La montre à la Queneau (suite) by Jean-Marc

Après la version Teletubbies, la version banlieue et la version japonisante...(click on the link to read), voici la version "du point de vue de la montre", par Jean-Marc Pierson: un beau texte poétique...
Merci Jean-Marc, et Bravo !
Je le tenais, je régnais sur sa vie, j'étais sa maitresse sans partage. Il était à moi, il est à moi, il sera toujours à moi.
Je l'ai perdu. Dans un taxi. Il était exactement… quelle heure était-il ?
Je suis incapable de répondre à cette question. Le temps soudain s'est arrêté, j'ai glissé sur sa peau, son poignet, sa main qui me carressait négligemment, si négligemment, sans prendre le temps d'y penser, je déteste lorsqu'il me caresse comme ça et soudain… la chute, le vide, le vertige… l'absence.
Il était parti, sans un mot, la portière a claqué comme une porte de prison qui se referme pour toujours, une déchirure ,je me suis évanouie et lui s'est envolé, libre… mais il ne le savait pas.
Il ne peut pas le savoir, il ne le saura jamais. Il est toujours à moi, il ne peut pas se passer de moi, c'est un esclave, mon esclave, sans moi il ne peut pas vivre, j'en suis sûre, il remuera ciel et terre s'il le faut, il fera appel à la solidarité internationale des conducteurs de bus et de taxis, des directeurs et directrices d'agences à horaires fixes, des employées diligentes sans retard et sans reproches, il y aura peut être des orages, j'adorerais qu'il y ait des orages à cause de moi, à cause de lui, parce que c'est lui, parce que c'est moi, la liberté le tuerait, je prie le Grand Horloger qu'il n'essaie pas, qu'il ne m'oublie pas, il sombrerait dans l'ivresse, il en perdrait le sens commun, il deviendrait poëte peut-être, j'en tremble mais non, ca n'est pas possible, pas lui, il ne peut pas, ça fait trop longtemps que je le tiens par le poignet, que je le soumet à ma loi, j'ai besoin de lui, de sa vie au long cours inexorable….

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